Jusqu’en 2016, sur 40 groupes du CAC40, 40 étaient dirigés par des hommes ! La nomination de Christel Heydemann à la Direction Générale d’Orange, après celle d’Isabelle Kocher puis Catherine McGregor à la tête d’Engie, et avant celle d’Estelle Brachlianoff à la Direction Générale de Veolia, sont des premiers pas vers une plus grande parité, mais restent encore des exceptions…
La mise en place de l’index égalité femmes-hommes en entreprise l’avait montré : le plafond de verre reste une réalité dans la plupart des entreprises, la part des femmes diminue comme peau de chagrin en montant dans la hiérarchie… Si l’un des indicateurs de l’index porte sur la part des femmes dans les 10 plus hautes rémunérations, cet indicateur ne représente que 10% de la note globale, et n’empêche pas à lui seul une entreprise d’atteindre la note minimum de 75 sur 100.
Des quotas pour une plus grande présence des femmes parmi les dirigeants
Pour obliger les entreprises à faire disparaître le plafond de verre, la loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle de 2011 avait mis en place des « quotas ». Les grandes entreprises (entreprises cotées en bourse et entreprises de plus de 500 salarié·e·s, et entreprises de plus de 250 salarié·e·s depuis 2020) doivent avoir 40% de femmes parmi leur Conseil d’Administration.
Cette loi a eu des effets spectaculaires parmi les plus grandes entreprises, avec une quasi-parité des Conseils d’Administration pour les groupes du CAC 40… mais n’est pas respectées pour les entreprises non cotées en bourse pourtant soumises à la même obligation, et n’a pas eu d’effet d’entraînement sur les entreprises non soumises aux quotas.
En outre, comme le souligne le Haut Conseil à l’Egalité, « la parité s’arrête aux portes du pouvoir » : les postes de président et de directeur général sont encore quasi-exclusivement masculins !
La loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, votée en décembre 2021, veut aller plus loin, en imposant des quotas de 30% (en 2027) puis de 40% (en 2030) parmi les cadres dirigeants et les instances dirigeantes (comités exécutifs, comités de direction…), pour les entreprises de plus de 1.000 salarié·e·s. Mais cette loi suffira-t-elle pour qu’un jour les femmes soient aussi nombreuses que leurs homologues masculins dans ce cénacle fermé des dirigeant·e·s de groupes du CAC 40 ?
Les femmes ne sont pas des hommes de pouvoir comme les autres
Il est intéressant de voir dans quelle configuration les femmes concernées ont pu accéder à un poste de Direction Générale… contrairement à ce qui est encore un modèle prégnant, le cumul des fonctions de Président et de Directeur Général. Les femmes Directrices Générales du CAC 40 sont en tandem avec un Président, masculin. Survivance d’une vieille méfiance sexiste à l’égard de l’autonomie d’une femme, qui nécessiterait un chaperon pour s’assurer qu’elle restera dans le bon chemin ? Où à l’inverse, faut-il voir dans le modèle du PDG un avatar du mythe bien français de l’homme providentiel, du « chef sachant cheffer », de la croyance dans la concentration des pouvoirs, 400 après l’absolutisme de Louis XIV qui n’a pas disparu de notre imaginaire collectif ?
Car, en creux, ce que révèle le fait que très peu de femmes cumulent les fonctions de Présidente et de Directrice Générale, c’est l’archaïsme d’une gouvernance basée sur le pouvoir et non la conviction, sur une parole descendante et non sur le dialogue, associée à une image biaisée de la virilité. Si de plus en plus de femmes accèdent à des positions de Directrice Générale ou de Présidente, alors non seulement l’insupportable discrimination effective subie par la moitié des salarié·e·s pourrait disparaître progressivement, mais il est possible d’espérer que par effet collatéral le fonctionnement des entreprises s’améliore également, avec une gouvernance moins verticale, plus encline au dialogue et au compromis, plus ouverte à la diversité des opinions et des intérêts.
L’égal accès des femmes aux postes de direction, dès lors qu’il remet en cause un modèle viriliste de concentration des pouvoirs, pourrait donc être une opportunité de progrès pour l’ensemble des salarié·e·s, quel que soit leur genre !
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